Signez votre pacte d’associés quand tout va bien pour régler les conflits quand tout ira mal

Contrairement à l’obligation légale de publier les statuts de toute société selon des modalités précises ce qui les rend publics et qui en confère une date certaine, le pacte d’associés est un contrat qui relève de la loi des parties et attribue à ces dernières des droits et obligations qu’elles s’engagent à respecter dans le cadre de leur détention d’actions de l’entreprise.

Pour des questions de confidentialité, le pacte d’associés n’est pas inclus dans les statuts alors qu’il régit précisément les relations entre associés en particulier les dispositions prises en cas de situations exceptionnelles dont le blocage ou le conflit.  

Avant de vous associer, profitez de cette « lune de miel » avec votre futur associé pour discuter de votre projet, de ses différentes phases, pour mieux comprendre ce qui pourrait se passer et anticiper ensemble les risques afin d’élaborer des règles de fonctionnement communes et des mécanismes de résolution.

Que ce passe-t-il, par exemple, si mon futur associé décide de quitter l’entreprise ou encore s’il refuse de contribuer au financement du plan de développement indispensable à l’entreprise ? Quid s’il divulgue des informations confidentielles à la concurrence ?   

La problématique est d’autant plus sensible que les deux associés sont égalitaires en termes de participations dans la société. Sachant que toutes les décisions importantes devront être prises à la majorité, nous pouvons aisément entrevoir les « opportunités » de désaccords qui pourraient être fatals à la survie de l’entreprise.

Tout pacte d’associés est spécifique à la situation, sa rédaction est libre mais ne peut contredire les règles statutaires ni la Loi.

Il couvre, en règle générale, le contrôle de la cession des actions, la gouvernance, le départ volontaire ou forcé d’un associé et les mécanismes de résolution de conflits.

Vous trouverez, ci-dessous, de manière non-exhaustive, les clauses les plus fréquemment utilisées :

1) Clause d’agrément

Elle impose que toute cession de titres d’un associé à un tiers soit formellement avalisée par les autres associés permettant ainsi le contrôle de l’entrée de tiers au capital de la société.

2) Clause de préemption

Elle donne la priorité aux associés restants d’acquérir les actions de celui, sortant, qui décide de les vendre.

3) Clause d’inaliénabilité

Par laquelle, les associés s’interdisent de céder leurs actions pendant une durée déterminée. Cette clause doit être justifiée par l’intérêt social.

4) Clause de buy or sell (ou clause shotgun ou encore clause texane)

Généralement applicable dans le cas d’associés égalitaires, elle prévoit qu’en cas de mésentente grave, tout associé pourra proposer le rachat de ses actions à l’autre à un prix déterminé. Si ce dernier refuse, il devra vendre les siennes à ce même prix à l’associé à l’origine de l’activation de cette clause.

Mieux vaudra faire une offre la plus proche de la valeur réelle de l’entreprise au risque que cette clause se retourne contre l’activateur en particulier en cas de surévaluation de ses actions.  

Le plus simple est d’inclure dans cette clause la méthode de calcul du prix voire la nomination d’un expert afin de le déterminer objectivement.

5) Clause de sortie conjointe

Elle prévoit qu’en cas de cession d’actions d’un associé, les autres pourront céder les leurs aux mêmes conditions.

Il arrive que les associés minoritaires, qui sont opposés à la reprise de 100% des actions de la société, refusent de céder leurs actions rendant, par conséquent, l’opération impossible.

Afin d’éviter cette situation de blocage, la clause dite de Drag Along, impose aux minoritaires de céder leurs actions aux mêmes conditions que celles du (des) majoritaire(s).

Cette clause est généralement complétée par des conditions de validité (qui peut déclencher cette clause) et d’offres (prix minimum, pourcentage minimum du capital, type d’acquéreur).

Contrairement à la clause Drag along qui protège les « majoritaires », la clause Tag along vise à assurer les intérêts des minoritaires en les faisant bénéficier des mêmes conditions que le(s) majoritaire(s).

La clause de préemption susmentionnée aura, le plus souvent, la préséance.

6) Clause d’implication

Cette clause a pour vocation, au travers de l’engagement des associés, d’assurer la pérennité du projet grâce au renforcement de leur cohésion. Ainsi, les associés s’engagent à exercer, au sein de la société, un rôle actif spécifique, tel que défini dans les rôles et responsabilités et ce durant une période minimale.

Le non-respect de cette clause peut avoir des conséquences importantes sur l’associé défaillant en particulier son exclusion éventuelle.

7) Clause de départ – good leaver / bad leaver

Cette clause est inspirée du droit anglo-saxon prévoyant le rachat des actions de l’associé sortant en fonction des conditions de sortie : good leaver (bon partant) s’il a respecté ses engagements et bad leaver (mauvais partant) dans le cas contraire. Il ne s’agit pas d’une clause d’exclusion qui sera détaillée par la suite.

Le principe de base de cette clause est de conserver au sein de l’entreprise durant un certain temps, les personnes clés que sont les fondateurs et les associés actifs. Le «good leaver » pourra céder ses actions aux autres associés à leur valeur vénale alors que le « bad leaver » sera lourdement sanctionné et devra les céder à un prix défavorable.

Dans tous les cas de figure, le calcul du prix des actions aura été déterminé à l’avance dans les dispositions de cette clause.

Cette clause devra définir, précisément, les conditions de qualification d’un bad leaver et d’un good leaver ainsi que les conditions de mise en œuvre (procédure d’application). Un associé licencié pour faute grave rendant immédiatement et définitivement impossible toute collaboration sera étiqueté « bad leaver ». Un associé qui démissionne avant la date de sortie prévue, sera également identifié tel quel.

 8) Clause de non-concurrence

Cet engagement de non-concurrence interdit aux signataires de travailler ou d’investir dans des sociétés dont l’objet social approcherait celui pour lequel ils ont signé le pacte d’associés.

Cette clause doit se rapporter à des activités similaires, être limitée géographiquement et dans le temps. A défaut, cette clause sera réputée nulle.

9) Clause d’exclusion

Le pacte d’associés peut prévoir les conditions et modalités (AG Extraordinaire, par exemple) d’exclusion d’un associé pour des motifs graves et sérieux affectant le fonctionnement de la société. Toutefois, il est recommandé d’inclure cette clause d’exclusion directement dans les statuts.

Pour rappel, la résolution judiciaire des conflits entre actionnaires relève du Code des Sociétés et des Associations et singulièrement de ses articles 2:60 à 2:69.

Il existe, d’une part, la procédure d’exclusion par laquelle un ou plusieurs actionnaires sollicitent le Tribunal de l’Entreprise pour de « justes motifs » en demandant que ce dernier soit condamné à lui/leur revendre ses actions et d’autre part, la procédure de retrait par laquelle, l’actionnaire souhaitant sortir demande à ce même Tribunal de condamner les autres actionnaires au rachat forcé de ses actions.

En conclusion, le pacte d’associés est un outil indispensable pour vous prémunir des crises et blocages à venir même s’il ne revêt pas l’autorité de la chose jugée ce qui implique que l’associé évincé pourrait saisir les Tribunaux compétents.     

Pensez-y avant de vous associer, et ce, même si votre futur associé est la perle rare.

Comme vous pouvez le constater dans cet article, sa rédaction est complexe et unique à votre situation.

Je vous conseille vivement de vous faire assister par un avocat spécialisé.

Que votre association soit heureuse et fructueuse !

Aslam Bakkali