Cession d’entreprise – La valorisation d’entreprises – l’approche actuarielle

Cette méthode part du postulat que l’entreprise vaut ce qu’elle rapporte. Elle se base sur l’actualisation des flux de trésorerie disponible (en anglais free cashflow) futurs de l’entreprise. Dans la littérature financière, on parlera de Discounted Cash Flow (DCF).

Qu’est-ce que l’actualisation ? Il s’agit d’une technique financière qui permet de transformer des flux financiers futurs en une valeur présente équivalente. Un des fondements de la Finance c’est que le temps est de l’argent et, par conséquent, un euro que vous recevriez dans le futur a moins de valeur qu’un euro aujourd’hui que ce soit à cause de l’inflation ou des intérêts créditeurs dont vous pourriez bénéficier.

L’inverse de l’actualisation est la capitalisation.

Qu’est-ce que la trésorerie disponible ? La définition simple de la trésorerie disponible est le bénéfice net plus les charges non décaissées (principalement les amortissements, réductions de valeurs et provisions) moins les variations des besoins en fonds de roulement (actifs à moins d’un an opérationnels moins passifs à moins d’un an opérationnels) et moins les investissements.

Elle mesure le montant disponible une fois que les investissements nécessaires à l’activité de l’entreprise ont été réalisés.

L’approche actuarielle se heurte à plusieurs obstacles dont la fiabilité des prévisions, la période de projection retenue et la détermination du taux d’actualisation.  

Concernant la fiabilité des résultats, tant courants que prévisionnels, il conviendra de procéder à certains retraitements comptables et de valider les hypothèses de croissance retenues eu égard au passé, aux tendances prévues et aux nouvelles initiatives prises.

La plupart du temps, les résultats comptables feront l’objet de retraitement tels que l’élimination de charges et produits exceptionnels ou relatifs à des exercices antérieurs, l’adaptation du résultat en fonction des rémunérations et avantages divers octroyés aux dirigeants comparés au « prix du marché » pour une fonction similaire et l’élimination des charges et produits hors exploitation.

Concernant les prévisions, il est important qu’elles soient basées sur des hypothèses réalistes. Si votre entreprise voit ses résultats chuter année après année et que les projections financières montrent une croissance sur les périodes à venir, il faudra justifier les raisons sous-jacentes d’un tel redressement.

Comme on peut l’imaginer, le cédant aura tendance à être plus optimiste que le candidat-repreneur, raison pour laquelle il est essentiel d’objectiver les choses.

Quid de la période de projection ? Celle-ci est variable et porte en général sur 5 à 8 ans maximum et ce même si l’entreprise devait continuer à générer des flux de trésorerie.

Les raisons principales de cette limitation dans le temps sont que plus cette période sera longue, plus il y aura de l’incertitude ; plus les flux de trésorerie sont éloignés de la date d’évaluation moins ils auront un impact sur la valorisation. En effet, si on considère un taux d’actualisation de 10% pour un flux de trésorerie disponible de 1.000€ dans 20 ans, la valeur actuelle de ce flux ne serait que de 148,64€.

En d’autres mots, si vous placiez aujourd’hui 148,64€ à un taux d’intérêt de 10% vous obtiendriez 20 ans plus tard la somme de 1.000€ avant frais bancaires et précompte mobilier.

La connaissance de l’entreprise et du secteur d’activité permettra de mettre le curseur au bon endroit.

Certains professionnels préfèrent travailler avec des flux perpétuels de trésorerie disponible mais l’expérience montre qu’une telle approche tend à surévaluer la valorisation sur base de cette méthode à cause d’une valeur résiduelle importante.

Quid du taux d’actualisation ? Ce taux représente le rendement exigé par l’investisseur. Il peut être déterminé selon deux approches.

La première est liée aux rendements sur les marchés financiers qui sont composés du taux d’intérêt sur les placements sans risques tels que les obligations d’Etat et d’une prime de risque pour un investissement en actions.

Le professeur Ashwath Damodaran de la Stern School of Business (New York University) travaille depuis de nombreuses années sur ce sujet. En juillet 2020, il estimait en Belgique le taux sans risque à 0,31% et la prime de risque à 6,12%.

À cette prime de risque, il convient d’ajouter une prime de risque liée aux PME, l’idée sous-jacente étant qu’une PME présente un risque intrinsèque de vulnérabilité plus important qu’une grande entreprise.

La prime de risque (« small firm premium ») liée à la taille exprimée en Excédent brut d’exploitation (EBITDA) se situe aux alentours des 4%.

  
La seconde approche est le coût moyen pondéré du capital (en anglais le WACC pour « weighted average cost of capital »). Ce dernier est basé sur la pondération entre le financement par fonds propres et celui par la dette. Le coût moyen pondéré du capital (WACC) reflète le coût pour une entreprise de se financer, pour partie auprès de ses actionnaires (fonds propres) et pour partie auprès de tiers (dettes). Le coût de la dette est beaucoup plus faible que le coût des fonds propres, raison pour laquelle bon nombre d’entreprise en font usage, par exemple via le crédit bancaire, pour obtenir un effet de levier intéressant pour les actionnaires.

Afin de déterminer un coût du capital adéquat, il faut se demander quel serait le rendement attendu par un investisseur eu égard au risque encouru. Serait-il prêt à investir ses économies pour un rendement annuel non-garanti de 5% ? N’y a-t-il pas des placements plus rentables et/ou moins risqués ?

Le choix du coût du capital n’est pas anodin puisqu’un taux faible entraînera une valeur d’entreprise plus favorable pour le cédant alors qu’un taux plus élevé génèrera une valeur d’entreprise plus faible.

Un taux d’actualisation de minimum 10% pour un risque modéré est réaliste.

En ce qui concerne des start-ups ou des sociétés fortement dépendantes de leurs dirigeants, clients ou fournisseurs, le taux d’actualisation sera généralement plus élevé vu l’incertitude et les risques encourus.

Les approches actuarielle et par les comparables permettent d’obtenir la valeur d’entreprise. Afin de déterminer la valeur de 100% des parts ou des actions de l’entreprise, il faudra déduire du résultat obtenu les dettes financières et ajouter les liquidités.